Cubique

Publié le par Vini

A Pfffff... : merci...

 

Il faut savoir être juste avec soi-même. Et c’est là une expérience bien difficile. D’autant plus difficile que le temps passe et que les erreurs s’accumulent. Etre juste avec soi, reconnaître les mauvais pas et les bons également. S’aimer encore malgré tout ce temps passé avec nous-même. Impossible rupture d’avec quelqu’un que l’on ne pourra jamais quitter. Alors il faut apprendre à écouter, se faire avocat de la défense lorsque tout nous accable pourtant.

 

Etre juste avec nous-même, se souvenir de tout ce temps passé à découvrir le monde. Se rappeler de ces années lointaines où nous apprenions l’univers au travers du regard de nos parents. Le cube est cubique, la terre est ronde, vert, bleu, jaune, un, deux, trois, le bien, le mal. Toutes ces vérités plus ou moins absolues qui furent les seuls outils dont nous avons disposé pour nous fabriquer une vie et avancer.

 

Car il ne s’agissait que de cela au final : avancer. Avancer jour après jour, avancer dans la nuit du lendemain avec comme seuls repères ceux d’une terre ronde et d’une maison cubique. Ciel bleu, soleil jaune et jardin vert. Aucune autre réalité possible, aucune autre issue à la vie. Tourner en rond dans le ciel bleu pour vite revenir dans la maison cube, soleil jaune en haut à droite de la feuille à dessin.

 

Quelques crayons de couleur sur la table et nous devions dessiner nos rêves sous l’oeil rassurant de la maîtresse. Puis l’année suivante, réaliser les rêves de nos parents sous l’oeil moins rassurant du maître d’école. Additions,multiplications, grammaire, sciences et géographie. Les étapes suivantes ne firent que confirmer les bases. La terre était ronde. Et de savants professeurs s’échineraient à nous le démontrer. Le bleu du ciel avait une explication scientifique. Même la luminosité du soleil s’expliquait. Pire elle expliquait notre existence et le vert des jardins devint plus rationnel que jamais.

 

Il fallait donc vivre avec ça. Et même grandir avec. Il fallait devenir quelqu’un, faire quelque chose de notre vie et même en trouver un sens. Il fallait éviter de ne pas tourner rond, éviter de tourner en rond, marcher droit du point A au point B.

 

Rendons nous justice aujourd’hui. Avions-nous les outils pour nous défendre dans ce monde ? Qui savait ce qu’il ou elle était venu y faire ? Nous avons été éduqués pour fabriquer des maisons, décrypter les arcs-en-ciel mais jamais pour inventer de nouvelles couleurs.

 

Ce monde manque cruellement de poésie, d’herbe bleue, de maisons en étoile flottant dans des cieux artifices. Il faudrait apprendre aux enfants à dessiner en dehors des feuilles à dessin, à remplir les tables de couleurs nouvelles. 

 

Car un jour, ils trouveront ce monde et ils découvriront bien assez tôt que le ciel n’est jamais bleu quand il le faut, que les maisons ne tiennent jamais vraiment leurs promesses, que les jardins subissent les saisons, que le monde ne tourne pas toujours rond...

 

Alors je pense que nous avons le droit d’être juste avec nous-mêmes. On nous avait promis un monde merveilleux, scientifiquement prouvé. C’est un monde sans règle qui nous attendait.

 

Il faut être juste et bon avec nous-mêmes car tout ne l’est pas toujours. Le noir existe. Et nous faisons de notre mieux chaque jour. Pour continuer à faire croire aux grands enfants autour de nous que ce monde est beau.

 

Pour tous ces hommes et ces femmes qui se croisent dans leurs solitudes, ces anges aux ailes brisées par la rudesse de la vie, ces espoirs perdus dans des maisons cubiques en carton sous les ponts, ces bars remplis de vies et de verres vides, ces filles souillées aux fards bleutés, ces malades qui espèrent un ultime miracle de la part du professeur, un, deux, trois, vous êtes guéri. 

 

Il faut être juste car il faut nous laisser une chance. Une chance d’encore changer les choses. Juste à notre échelle, juste pour une vie. Juste sur notre feuille à dessin. Inutile de vouloir bousculer l’ordre des choses. Mais se laisser une chance en dessinant un tout petit peu en dehors des bords. Il faut être juste et vivre. Vivre en couleur et en grand !

 

Puisque dans tout ce qu’on nous a appris, il n’y aura qu’une vérité. Celle du temps qui tourne rond, un, deux, trois, inéluctablement et qui nous emportera dans une boîte en chêne ... cubique.

 

Gentilles lectrices, gentils lecteurs, ouvrons les yeux, ce monde est génialement pourri. Hainons-nous les uns les autres.


Publié dans Chroniques

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